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Lundi matin, 8h45. Dans un bureau parisien, un grand banquier tente de se montrer confiant devant L’Express. « Les crédits immobiliers repartent un peu, ceux aux entreprises aussi. Le coût du risque reste élevé, mais pas alarmant. L’économie française est résiliente », avance-t-il. Une courte pause. Puis le ton change : « Je suis fatigué de cette résilience dont on se berce. L’enjeu, ce n’est pas de tenir, c’est de redémarrer. »
Quelques minutes plus tard, la nouvelle tombe. Emmanuel Macron accepte la démission de Sébastien Lecornu, moins de vingt-quatre heures après la formation de son gouvernement. Un coup de tonnerre politique : le Premier ministre, le plus éphémère de la Ve République, justifie son départ par l’impossibilité de gouverner dans une Assemblée éclatée. « Les partis se comportent comme s’ils avaient tous la majorité absolue. Il y a beaucoup de lignes rouges, rarement des lignes vertes », déplore-t-il face aux caméras.
Les marchés s’affolent, la confiance s’effrite
À la Bourse de Paris, la réaction est immédiate. Les valeurs bancaires s’effondrent, tirant le CAC 40 vers le bas. Les investisseurs redoutent un blocage politique prolongé, alors que la trajectoire budgétaire du pays est déjà jugée « explosive » par Bruxelles.
L’écart de taux — le spread — entre les obligations françaises et allemandes à dix ans se creuse à nouveau, signe d’une perte de confiance des marchés dans la capacité de la France à maîtriser sa dette. Dans moins de trois semaines, Moody’s doit rendre son verdict sur la note souveraine de la France. Après la dégradation opérée par Fitch en septembre, une nouvelle sanction viendrait fragiliser encore un peu plus la crédibilité financière du pays.
Une économie à bout de souffle
Sous la surface, les signaux d’alerte se multiplient : une croissance quasi nulle depuis le printemps ; un déficit public supérieur à 5 % du PIB ; et une dette dépassant les 115 %, que la hausse des taux d’intérêt rend de plus en plus coûteuse.
Dans ce contexte, la démission du gouvernement Lecornu agit comme un accélérateur d’incertitude. Sans direction politique claire, les réformes budgétaires et fiscales promises restent suspendues, et les acteurs économiques redoutent une paralysie prolongée.
Un test de crédibilité pour Emmanuel Macron
Le président Macron se retrouve face à une équation redoutable : trouver un nouveau Premier ministre capable de rassembler une majorité introuvable, tout en rassurant les marchés et les partenaires européens.
Mais la marge de manœuvre est étroite. Le souvenir de la dissolution du 9 juin 2024, qui a plongé le pays dans une recomposition parlementaire chaotique, reste vif.
Chaque jour sans gouvernement stable affaiblit un peu plus la parole économique de la France, déjà ébranlée par les avertissements répétés de la Cour des comptes et de la Commission européenne.
Vers une tempête économique ?
Dans les couloirs des banques et des entreprises, le mot « crise » circule à nouveau. Le scénario d’un ralentissement brutal, voire d’une récession, n’est plus exclu. Les ménages, déjà éprouvés par la hausse des prix et des taux immobiliers, pourraient voir leur pouvoir d’achat s’éroder davantage.
« La France tient encore, mais sur un fil », confie un haut fonctionnaire du Trésor. Si la situation politique ne se stabilise pas rapidement, le spectre d’une crise économique — mêlant perte de confiance, fuite des capitaux et tensions sociales — pourrait bien devenir réalité.
J.F.PAGNI