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L’ex-président de la République a craché ses vérités au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp – parti au pouvoir). L’ancien chef d’État a dressé un tableau sombre de la situation du foncier en Côte d’Ivoire, en particulier à Abidjan où les litiges fonciers sont légion, tout en insistant sur l’urgente nécessité de rendre effectif le transfert de la capitale à Yamoussoukro. « J’avais pris une décision (alors au pouvoir, Ndlr) pour éviter ce qui est arrivé à Abidjan. La décision que j’avais prise et que je vais appliquer demain quand je serai de nouveau à la Présidence, c’est qu’on ne mettra pas la capitale à Yamoussoukro et puis toutes les usines à Yamoussoukro, non ! Les usines, on peut les mettre à Tiébissou, à Toumodi, à Sinfra, dans les villes d’à côté ! Si elles ne veulent pas être loin des centres de décision, on peut les mettre dans les villes d’à côté », a-t-il pris un engagement face à ses partisans.
M. Gbagbo a expliqué qu’Abidjan est saturé. « Sinfra, c’est tout prêt de Yamoussoukro ; Tiébissou, c’est tout prêt ; Toumodi, c’est tout prêt ; Béoumi, c’est tout prêt ; Sakassou, c’est tout prêt, il y a de quoi travailler. Mais Abidjan, on est étouffé. 80 % de l’économie hors agriculture, c’est à Abidjan », a-t-il ajouté.
Le leader du Ppa-Ci, parti de gauche, idéologiquement social-démocrate, a tiré la sonnette d’alarme. « Si nous voulons éviter des bagarres demain, si nous voulons éviter des guerres liées aux foncier, il faut faire une loi sur le foncier. La loi de 1998, proposée par celui qui était alors mon ami, et qui hélas nous a quittés il n’y a pas très longtemps, Lambert Kouassi Konan, ministre de l’Agriculture de Bédié (Henri Konan, ex-chef d’État, Ndlr), elle était bonne. Mais elle était seulement une loi pour le foncier rural », a-t-il déclaré.
Le candidat du Ppa-Ci au scrutin présidentiel prévu dans moins de huit (8) mois a fait comprendre qu’il faut faire une loi globale sur le foncier en Côte d’Ivoire.
« Elle (la loi de 1998, Ndlr) était seulement une loi pour les villages. Mais et pour les villes comme Abidjan, Bouaké, Gagnoa, Daloa, Tiébissou, Toumodi, Korhogo, Odienné ? Il faut faire une loi globale sur le foncier. Alors, je nommerai un ministre qui va s’occuper du foncier parce qu’on voit les ravages que cela fait. Il faut éviter ces ravages-là. Nous allons légiférer pour que chaque citoyen ivoirien ait une parcelle de terre », a-t-il promis.
Le chef de file du Ppa-Ci a également exprimé son étonnement quant au pouvoir Rhdp qui resterait sourd aux revendications et aux alertes des Ivoiriens, ignorant volontairement ou involontairement la réalité du terrain. « Il faut que quelqu’un qui s’y connaisse fasse une loi sur la terre, sur la forêt et sur la terre urbaine. Mais sur la terre urbaine, ça devient urgent. Et je suis étonné que ceux qui nous gouvernent provisoirement (les acteurs politiques du Rhdp, Ndlr) ne voient pas ça, parce que ne pas voir ça, c’est ne pas regarder la Côte d’Ivoire. Il n’y a pas un seul endroit d’Abidjan où il n’y a pas des problèmes de terre », a-t-il insisté.
Fraudes dans le foncier
Au cours de son meeting, Laurent Gbagbo a dénoncé ouvertement des fraudes massives dans le domaine du foncier en Côte d’Ivoire. « Vous voyez aujourd’hui à Abidjan, les gens qui ne sont pas Ivoiriens, ils fraudent pour avoir la nationalité, et une fois qu’ils ont la nationalité, ils fraudent pour avoir la terre. Et une fois qu’ils ont la terre, ils fraudent pour avoir des grands bâtiments dessus. Vous allez voir la nationalité des gens qui possèdent des grands édifices à Abidjan, ces sont les gens de ce type-là… qui ont fraudé pour être Ivoiriens, ensuite qui ont fraudé pour avoir la terre… Mais nous devons régler ces problèmes-là », a-t-il décrié, signifiant que bien souvent, quand il y a des problèmes, ces individus « disparaissent ».
Le président du Ppa-Ci a aussi abordé la problématique de la déforestation. « Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, il n’y a plus de forêt. Les gens qui ont des entreprises, qui travaillent le bois, n’ont plus de travail », a-t-il critiqué, promettant de revenir sur ce sujet plus tard.
Le candidat du Ppa-Ci pour la présidentielle de 2025 a, en outre, passé des instructions aux jeunes militants de son parti. « Soyez forts ! Faites la campagne. Il faut que chacun, à partir d’ici, aille faire campagne pour que nous reprenions le pouvoir. Quand nous aurons le pouvoir, on aura plus le problème du foncier. Nous allons régler ça… Il faut que nous nous battions pour que nos forêts restent, pour que nos parents aient de quoi faire leurs plantations », a-t-il martelé.
Corruption des acteurs politiques
Sur la question de l’enrichissement illicite et du détournement de deniers publics en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo a fustigé la corruption de certains acteurs politiques du pouvoir. « Je vous dis toujours : si vous voulez être riche, ne venez pas faire de la politique. Faites des entreprises. Mais si vous venez faire la politique et que par la politique vous devenez riche, c’est que vous êtes un voleur. Dans la politique, le plus haut degré, c’est d’être président de la République. Moi, j’ai été président de la République. Je sais les moyens qu’on a. Je sais qu’on a la capacité de voler. Quand on est président, on a les moyens de voler », a-t-il lâché.
L’ex-président ivoirien a, par ailleurs, prodigué des conseils d’usage aux jeunes de Côte d’Ivoire. « Ce que je veux vous dire, c’est que ce n’est ni la Présidence de la République, ni le ministère qui enrichit un homme politique. Ce n’est pas vrai. Ça te donne les moyens de vivre. Ça te donne de quoi vivre. Mais ça ne te donne pas de quoi être riche. C’est ça que je veux dire », a-t-il fait savoir, avant de soulever une interrogation : « Alors il y en a, on voit ici des hommes politiques (du pouvoir, Ndlr) qui sont riches, qui ont l’argent, mais où ils ont pris tout ça ? ».
M. Gbagbo a ainsi exhorté la jeunesse ivoirienne à suivre le bon chemin pour s’enrichir. « Méfiez-vous, jeunes gens, méfiez-vous ! Si vous voulez être riches, faites des affaires, mais ne faites pas la politique. Si vous faites la politique, faites-le proprement. Moi, depuis je parle, et je parle, mais il n’y a rien parce que je ne vole pas, je n’ai pas volé. Même à la Cpi (Cour pénale internationale, Ndlr), on m’a déclaré indigent. Indigent, en bon français, ça veut dire pauvre. Pourtant, j’avais été président de la République pendant 10 ans », a-t-il réitéré ses recommandations.
Arrestation de Gbagbo Koné
Auparavant, le président du Ppa-Ci a évoqué l’arrestation récente du cyber activiste Koné Souleymane, qui, par affection pour lui, se fait appeler Gbagbo Koné Souleymane. « J’ai téléphoné à Paris (France, Ndlr) pour avoir de ses nouvelles. Je n’ai pas pu joindre son avocat, mais je crois qu’il a déjà deux ou trois avocats qui s’occupent de cette affaire, et elle devrait bien se terminer. C’est un combat que nous menons, un combat que tout le monde mène. Mon devoir à moi est au moins de prendre des informations lorsqu’un incident de ce genre arrive à l’un de ceux qui me suivent. Je souhaite que le Seigneur le fasse libérer au plus tôt », a-t-il dit.
Porte de la liberté
En ce qui le concerne, le fédéral Ppa-Ci de Cocody, Carlos Gakpa, a, au nom des autres fédérations d’Abidjan Lagune, réaffirmé à tous les détenus civils proches de Laurent Gbagbo leur soutien indéfectible. « Par cette mobilisation, nos compatriotes vous montrent qu’ils ont ouvert la porte de la liberté et sont prêts à entamer la marche pour la libération de notre pays en vous ramenant au pouvoir en octobre prochain », a-t-il mentionné à l’endroit de Laurent Gbagbo.
Boubakar Koné, vice-président du Ppa-Ci en charge de la mobilisation pour la tournée Côcôcô, a salué les populations venues en grand nombre, ainsi que les chefs coutumiers, chefs de communautés, guides religieux, responsables d’associations et leaders d’opinion présents. « Nous tenons à vous exprimer notre reconnaissance », a-t-il remercié.
E.KOUAKOU