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Ce « club » de pays émergents, initialement fondé par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, rejoints ensuite par l’Afrique du Sud, continue de se renforcer, accueillant même de nouveaux membres lors de son sommet de Johannesburg en 2023.
Fondé il y a deux décennies, le groupe des BRICS représente aujourd’hui près de la moitié de la population mondiale et plus de 35% du PIB global, un chiffre désormais supérieur à celui du G7. Lors de leur dernier sommet, les BRICS ont admis de nouveaux pays membres tels que l’Iran, les Émirats arabes unis, l’Égypte et l’Éthiopie. L’Arabie Saoudite a également été invitée, bien qu’elle hésite à s’engager pleinement, tandis que l’Argentine de Javier Millei a préféré décliner cette invitation.
Cet attrait croissant démontre la capacité des BRICS à incarner une alternative pour les pays du Sud face aux institutions dominées par les Occidentaux. Parmi les candidats potentiels, on retrouve même la Turquie, un membre de l’OTAN, soulignant encore plus l’intérêt mondial croissant pour cette coalition. Cet engouement mondial marque l’importance des BRICS comme un lieu de pouvoir en devenir dans le contexte actuel de redéfinition des équilibres géopolitiques mondiaux.
Un écho favorable
Le sommet de Kazan a permis à Vladimir Poutine de montrer qu’il reste une figure incontournable sur la scène internationale, en dépit des tentatives de l’Occident pour isoler la Russie depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en 2022. Au moment où le président ukrainien Volodymyr Zelensky cherche à rallier le soutien international autour de son « plan de victoire », l’accueil réservé à Poutine par des dirigeants internationaux, au-delà de son allié chinois Xi Jinping, envoie un signal fort : la Russie n’est pas aussi isolée que l’Occident pourrait le souhaiter.
Cette affirmation de Poutine trouve un écho favorable parmi les pays des BRICS, dont plusieurs partagent une méfiance face aux structures de pouvoir internationales. Pour ces nations, les BRICS représentent une forme de contre-pouvoir qui peut rééquilibrer les rapports de force globaux, même si leur union reste pour le moment plus symbolique qu’effective.
Outre les enjeux immédiats liés au conflit ukrainien, le sommet de Kazan reflète une aspiration plus large, celle des pays du Sud à obtenir un ordre mondial différent. Depuis 1945, les institutions internationales, les règles économiques et les politiques étrangères sont en grande partie façonnées par les États-Unis et leurs alliés. Mais aujourd’hui, de plus en plus de nations questionnent la légitimité et l’équité de cet ordre, notamment face aux politiques à « deux poids, deux mesures » perçues en Occident, particulièrement dans les conflits au Proche-Orient.
Les BRICS représentent une alternative à cet ordre, malgré leurs propres dissensions et leurs défis internes. La rivalité entre l’Inde et la Chine, l’importance de l’économie chinoise au sein du groupe, et la présence d’États comme l’Iran, dont l’idéologie contraste avec celle des autres membres, constituent des points de tension. Cependant, ces ambiguïtés n’ont pas freiné l’élargissement du groupe ni diminué son attrait pour d’autres pays qui se sentent marginalisés par le système actuel.
Symbole de l’injustice subie par de nombreuses nations
La simple volonté de certains pays de se libérer de l’influence monétaire américaine marque une tentative significative de briser un monopole historique. Les BRICS sont porteurs d’un message symbolique fort : un monde multipolaire est non seulement possible, mais en gestation. Cette alternative peut répondre aux aspirations des pays du Sud, lassés de subir un système dans lequel leurs intérêts sont souvent négligés.
Pour l’Occident, le sommet de Kazan doit être perçu comme un avertissement. Les BRICS ne sont pas simplement un « club » de pays émergents, mais un symbole de l’injustice ressentie par de nombreuses nations face à l’ordre mondial actuel. La perception d’un « deux poids, deux mesures » dans le traitement des conflits internationaux, et l’incapacité de l’Occident à réformer ses propres institutions pour une meilleure représentativité, sont des facteurs qui alimentent le ressentiment et la méfiance.
En négligeant les aspirations des BRICS et en minimisant leur message, les pays occidentaux pourraient se retrouver dans un monde qui leur échappe progressivement. L’enjeu n’est plus seulement économique, mais politique et idéologique. Alors que le monde évolue, l’Occident se doit de repenser son rôle et sa manière d’interagir avec les puissances émergentes, au risque de voir l’ordre mondial lui échapper.
En conclusion, les BRICS sont bien plus qu’une coalition de pays émergents : ils incarnent une alternative au leadership occidental, une contestation croissante de l’ordre mondial établi, et une voix pour les nations qui veulent repenser l’avenir. Le sommet de Kazan n’est donc pas seulement un rendez-vous diplomatique, mais le reflet d’un monde en quête de nouveaux équilibres.
Axel KONE