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La Seine est censée accueillir les épreuves de triathlon et de natation dans un peu moins d’un mois, à l’occasion des Jeux olympiques de Paris. Mais de nouveaux prélèvements indiquent qu’elle est toujours beaucoup trop polluée, vendredi 28 juin. Les autorités expliquent cette pollution par les pluies abondantes de ces dernières semaines. L’eau de la chaussée se déverse dans la Seine, tout comme certaines canalisations qui débordent.
La concentration en bactéries fécales est trop élevée et risque de provoquer des gastro-entérites ou des maladies de la peau. Mais les organisateurs misent sur le retour du soleil, puisque les rayons UV détruisent les bactéries. Les gigantesques travaux entrepris, qui auront coûté 1,4 milliard d’euros, doivent aussi aider. Un autre problème se pose : le débit de la Seine, six fois plus élevé que d’habitude la semaine dernière. Aucun plan B n’est prévu dans le cas où la Seine serait jugée impraticable, sinon un report des épreuves.
Jacques Chirac l’avait promis à deux reprises, en 1988 et 1990 : il piquerait une tête dans la Seine avant de quitter la mairie de Paris. Il l’a fait en 1995, sans avoir mis un orteil dans l’eau. Ce défi perdu par l’ancien président de la République sera-t-il relevé par l’actuel, Emmanuel Macron trente ans après, grâce au retour des Jeux olympiques dans la capitale, un siècle après la fin des baignades dans la Seine, interdites à partir de 1923 ?
Une chose est certaine, c’est que le fleuve est pollué depuis si longtemps que la promesse d’y organiser des épreuves de natation pendant les JO, entre le pont Alexandre-III et le pont de l’Alma, a déclenché une vague de doutes et de moqueries. La présence de bactéries Escherichia coli et entérocoques, vecteurs de gastro-entérite et de leptospirose, inquiète toujours une partie des athlètes. Plusieurs équipes nationales, pas rassurées, ont prévu d’administrer des « traitements préventifs » à leurs champions avant de les laisser plonger.
Il faut dire que les consignes données aux nageurs ont de quoi semer le doute. Il leur a été recommandé de ne pas se toucher les yeux, le nez ou la bouche, en sortant des flots. Ou pas avant d’être passé par une douche désinfectante. Une communication de Surf Rider Fondation, en avril, n’a pas arrangé les choses. L’ONG environnementaliste a effectué une série de prélèvements dans la Seine à l’automne-hiver, de septembre à janvier. Les résultats d’analyse sont mauvais : 13 des 14 échantillons non conformes.
A la date du 28 juin, la Seine était toujours trop polluée pour y autoriser la tenue des épreuves de triathlon et de natation en eau libre, selon les résultats d’analyses publiées vendredi par la mairie de Paris. La qualité de l’eau reste dégradée du fait d’un contexte hydrologique défavorable : pluies, débit élevé, faible ensoleillement, températures en dessous des normes de saison et d’une pollution venue de l’amont », a fait savoir la mairie.
La concentration des deux bactéries fécales sur laquelle est basée la réglementation pour autoriser la baignade affichait des valeurs en forte hausse par rapport aux deux premières semaines de juin, avec des pics très élevés entre le 18 et le 20 juin.
Le débit du fleuve, qui a fortement augmenté depuis un mois, a été jusqu’à six fois plus important qu’à d’ordinaire. Il était de 666 mètres cubes par seconde dimanche 23 juin, alors qu’il est normalement de 100 à 150 mètres cubes en cette période. C’est en raison de ce débit trop important qu’a été reportée la répétition de la cérémonie d’ouverture qui était prévue lundi 1er juillet. Ces mauvais résultats, dus à la météo, ont renforcé les doutes quant à la bonne tenue des épreuves olympiques dans le fleuve (triathlon et nage en eau libre), mais également de la cérémonie d’ouverture, qui est elle aussi tributaire d’un débit correct du fleuve.
En cas de précipitations intenses, de l’eau non traitée – mélange de pluie et d’eaux usées – peut être rejetée dans le fleuve, un phénomène que les ouvrages de rétention inaugurés juste avant les Jeux ont vocation à empêcher.
Un plan B à la probabilité « mince »
Le plan B consiste à reporter de quelques jours les épreuves, sans changer de lieu. L’échéance se rapproche concernant la cérémonie d’ouverture le 26 juillet au soir, sur la Seine, une première dans l’histoire, même si un scénario de repli est souvent envisagé. « L’idée c’est d’aller chercher les athlètes au village olympique à Saint-Denis et de les emmener par bus au pied de la tour Eiffel », explique un haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat.
Une fois arrivés, les athlètes pourraient alors défiler sur le pont d’Iéna qui relie le monument parisien au Trocadéro, avant de rentrer au village. Le tout, sans public. Exit les 100 000 places payantes prévues sur les quais bas de la Seine, et les 220 000 spectateurs invités à suivre la cérémonie comme le prévoit le plan A.
« C’est un scénario qui maintient un semblant de cérémonie, mais la probabilité que cela ait lieu est mince. En gros s’il y a un attentat d’ici là, ou alors une menace précise et ciblée sur la cérémonie d’ouverture, et dans ce cas il est fort probable que tout soit annulé, y compris les JO », assure la source sécuritaire.
Face aux inquiétudes liées aux tensions internationales, les demandes de solution de repli ont été maintes fois posées pendant des mois par de nombreuses personnalités politiques. Et les réponses n’ont pas tout le temps été très claires.
Si Emmanuel Macron avait assuré dès décembre 2023 qu’il existait des plans alternatifs, le patron du Comité d’organisation (Cojo) Tony Estanguet avait jeté le trouble en affirmant lui un mois plus tard qu’il n’y avait « pas de plans B », que ses équipes ne travaillaient que sur l’hypothèse d’une cérémonie sur la Seine.
Le 15 avril, Emmanuel Macron a tenté de clarifier la situation en évoquant précisément l’existence de « plan B, même de plan C », de la cérémonie d’ouverture en cas de menace terroriste. Ce jour-là, le président de la République a parlé de la possibilité d’une cérémonie bis « limitée au Trocadéro », soit d’un repli au Stade de France, « parce que c’est ce qui se fait classiquement », avait-il dit.
La deuxième hypothèse a depuis été abandonnée. « Ce n’était pas possible déjà parce qu’il y a un match de rugby à 7 prévu ce jour-là au Stade de France », a assuré une source sécuritaire.