On le disait silencieux, réservé, mais Yacouba Sawadogo savait parler aux arbres et à la terre. Ce paysan, puis commerçant, avait décidé de retourner sur sa terre natale au début des années 1980 pour stopper l’avancée du désert. Désertification, sécheresse, la province du Yatenga subissait une baisse de la qualité des sols et de la productivité des champs. À cette époque, la zone est touchée par la famine, les gens partent, animaux et arbres meurent. « Nous avons dû envisager une nouvelle façon de cultiver. Les bonnes terres disparaissaient et si nous restions ici à ne rien faire, nos vies étaient en danger », avait raconté Yacouba Sawadogo.
Technique disparue
De retour, l’homme observe, la pluie, les plantes et décide de relancer une technique ancestrale de culture en partie disparue avec la modernisation de l’agriculture : le Zaï. Elle permet aux cultures de pousser dans des fosses qui retiennent les pluies et dans laquelle on dépose des matières organiques. Mais Yacouba Sawadogo améliore cette pratique. Il prépare la terre très tôt, bien avant les pluies. Il creuse des trous plus larges, plus profonds, rajoute des pierres pour retenir l’eau, s’entoure de termites qui aident à briser le sol dur et à le rendre plus fertile. Une technique exigeante, « il faut se lever tôt », disait-il.
« Faiseur de nuages »
Mais le succès est là. Malgré le scepticisme de sa communauté, les railleries, à force de persévérance, Yacouba Sawadogo a permis à une forêt entière de repousser. Le rendement des sols s’est amélioré, les paysans sont revenus cultiver. Il prend alors le surnom d’« homme qui a arrêté le désert ». Sa forêt devient un micro-climat. Fruits, légumes, céréales, arbres, plantes, animaux et même abeilles reviennent. Au point que le gouvernement a décidé de la protéger.
Yacouba Sawadogo a ensuite inlassablement transmis son savoir qui s’est diffusé dans le pays et dans toute la région, jusqu’au Kenya. En langue mooré, Sawadogo veut dire « faiseur de nuages », et dans le passé les Sawadogo étaient sollicités pour rappeler l’eau. À une époque où elle se fait de plus en plus rare, le vieux Yacouba savait la sauvegarder mieux que personne.