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Une dette historique colossale
Depuis l’époque de l’esclavage jusqu’à la colonisation, l’Afrique a payé un tribut inestimable aux puissances européennes. Le professeur soudanais de droit international, le général-major Dr. al-Tayeb Abdul Jalil, a dressé une véritable « carte des réparations » pour évaluer les dommages causés. Selon ses estimations, Londres devrait verser 700 milliards de dollars au Soudan pour les pertes subies sous la domination britannique.
D’autres chiffres impressionnants émergent :
• France : 653 milliards de dollars à l’Algérie
• Belgique : 1 600 milliards de dollars à la République démocratique du Congo (RDC)
• Royaume-Uni : 3 200 milliards de dollars au Nigeria
• Portugal : 504 milliards de dollars à l’Angola
• France et Espagne : 548 milliards de dollars au Maroc
• France : 354 milliards de dollars au Niger, 320 milliards au Burkina Faso et 199 milliards au Bénin.

Des critères précis définis
« Comment quantifier des souffrances qui ont traversé des générations ? » interroge le Dr. Jalil. Il souligne que l’exploitation des ressources, le travail forcé et la destruction des écosystèmes ont eu des répercussions durables sur le développement du continent. Pour certains observateurs, ces chiffres relèvent davantage du symbole politique que d’une revendication juridiquement contraignante. D’autres, comme le Rwanda et le Ghana, privilégient des formes de réparations plus symboliques, telles que la restitution d’œuvres d’art ou des excuses officielles.
Le Dr. al-Tayeb Abdul Jalil a défini des critères précis pour établir ces montants :
- Durée de la colonisation
- Travail forcé et pillage des ressources
- Dommages environnementaux
- Retard économique et social causé par l’exploitation
« Le colonialisme a volé l’avenir de nos peuples. Ces compensations ne sont pas une monétisation de la souffrance, mais un outil de reconstruction », insiste-t-il.
« Rééquilibrer l’histoire »
L’initiative, portée par des pays comme la RDC et l’Éthiopie, vise à « rééquilibrer l’histoire » et à sensibiliser la communauté internationale à l’impact durable du colonialisme. « Ces fonds seraient investis dans l’éducation, les infrastructures et la transition écologique », explique un diplomate africain. Cependant, cette question soulève des défis éthiques et pratiques. Tandis que certaines nations européennes redoutent qu’un précédent juridique ne soit établi, des ONG plaident pour la mise en place d’une commission internationale indépendante afin d’auditer les réclamations.
Un économiste ouest-africain tempère néanmoins : « L’argent ne guérit pas les traumatismes, mais il peut réparer des infrastructures négligées depuis des siècles. » L’UA espère un effet boule de neige similaire aux réparations versées par l’Allemagne à la Namibie pour le génocide des Herero et Nama.
Ce débat dépasse le cadre africain et interpelle l’ensemble du monde sur l’héritage du colonialisme. En attendant, l’Afrique rappelle à l’Europe que son développement économique actuel repose, en partie, sur des dettes de sang jamais honorées. La balle est désormais dans le camp des anciennes puissances coloniales : choisiront-elles la reconnaissance ou le déni ?
Jean François PAGNI