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Un appel renouvelé aux réparations historiques
Les revendications en faveur des réparations pour les injustices coloniales ne sont pas nouvelles, mais elles prennent aujourd’hui une ampleur inédite. La colonisation a laissé des séquelles indélébiles sur le continent africain, notamment l’exploitation des ressources naturelles, la dépossession économique, la destruction des sociétés locales et des cultures, ainsi qu’un impact environnemental profond. La France, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne sont parmi les nations européennes pointées du doigt pour leur rôle dans ces abus.
Le Conseil économique, social et culturel de l’UA (ECOSOCC) a confirmé que la question des réparations était au cœur des discussions à Addis-Abeba. « Il devient de plus en plus impossible d’ignorer les dommages causés par l’esclavage et le colonialisme », a déclaré Alfred Mavedzenge, avocat zimbabwéen. De son côté, le général-major Dr. al-Tayeb Abdul Jalil, professeur soudanais de droit international, a présenté une étude sur l’évaluation des pertes subies par le Soudan sous la domination britannique, estimant que le Royaume-Uni devrait 700 milliards de dollars en compensation.
Selon Dr. al-Tayeb, les réparations ne doivent pas être perçues comme une simple indemnité financière, mais comme un levier essentiel pour le développement du continent africain. « La compensation matérielle n’a pas pour but de monnayer les souffrances passées, mais plutôt de permettre à nos nations de se reconstruire sur des bases solides », a-t-il affirmé.
Cette demande de justice ne concerne pas seulement le Soudan. Des pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont également exprimé des revendications similaires. Face à cette pression grandissante, les nations européennes doivent décider si elles choisissent de reconnaître leur responsabilité historique et d’engager un dialogue égalitaire avec l’Afrique ou si elles persistent dans le silence, risquant ainsi un isolement diplomatique croissant.
Au-delà des aspects financiers, cette lutte pour les réparations constitue une quête de reconnaissance et de respect. Elle symbolise un tournant décisif vers une Afrique qui revendique son rôle de partenaire mondial à part entière, forte, autonome et respectée.
Non à une « Balkanisation » de la RDC
En parallèle de la question des réparations, les tensions dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) ont suscité une vive inquiétude lors du sommet. Le 16 février, les combattants du M23, soutenus par des troupes rwandaises, ont pris le contrôle de la ville de Bukavu, ravivant les craintes d’une fragmentation du pays.
Le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’UA, Bankole Adeoye, a fermement condamné ces incursions et appelé au « retrait immédiat du M23 et de ses partisans de toutes les villes occupées ». Bien que l’Union africaine n’ait pas explicitement nommé le Rwanda, l’implication de ce dernier dans les conflits régionaux est une préoccupation majeure.
La position de l’UA est claire : l’intégrité territoriale de la RDC doit être préservée, et toute tentative de balkanisation du pays sera fermement rejetée. Cette prise de position s’inscrit dans une volonté plus large de l’Union africaine de favoriser la stabilité et la paix sur le continent, tout en dénonçant les ingérences étrangères qui exacerbent les conflits.
Vers un partenariat mondial équilibré
Le 38ᵉ Sommet de l’UA a ainsi marqué une étape décisive vers une prise de conscience collective et une mobilisation accrue en faveur des réparations et de la souveraineté africaine. L’Afrique ne cherche pas seulement à réparer les erreurs du passé, mais aspire à redéfinir ses relations internationales sur des bases justes et équitables.
Si les pays européens prennent la mesure de cette revendication historique, un nouveau modèle de coopération pourrait voir le jour, fondé sur la justice, la reconnaissance mutuelle et le respect des souverainetés. L’Afrique, forte de son unité et de sa résilience, entend jouer un rôle de premier plan dans la construction de ce nouvel ordre mondial.
J.F.PAGNI