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En octobre, Asseyev a quitté l’armée, dénonçant une situation de plus en plus difficile sur le terrain. Son témoignage éclaire la situation désespérante de nombreux soldats ukrainiens et les défis cruciaux auxquels est confrontée l’armée ukrainienne pour maintenir ses effectifs.
Le 19 octobre, c’est en « homme libre » que Stanislav Asseyev, ancien combattant de la défense territoriale ukrainienne, se retrouvait dans un café à Kiev. Après sept mois passés en première ligne, cet homme de 35 ans au regard profond savoure désormais une pause, même incertaine, dans la vie civile. Cette démobilisation, Asseyev l’a obtenue en tant qu’ancien prisonnier des forces russes, un droit reconnu pour les soldats ayant survécu aux geôles ennemies. Ancien journaliste, il a été détenu entre 2017 et 2019 dans la prison d’Isolatsia, à Donetsk.
Blessé à deux reprises dans le Donbass, Asseyev souhaitait rejoindre le service de renseignement militaire ukrainien, le HUR, espérant contribuer aux efforts de défense ukrainiens sous une autre forme. Malgré le soutien direct de Kyrylo Boudanov, chef du HUR, sa demande est restée sans réponse. Ce refus a précipité sa décision de quitter les rangs militaires, symbolisant la frustration ressentie par de nombreux soldats ukrainiens.
Situation désespérante de nombreux soldats ukrainiens
L’expérience d’Asseyev reflète une réalité plus large au sein de l’armée ukrainienne : la dissolution progressive de plusieurs bataillons de la défense territoriale. Depuis l’été, les pertes et les désertions ont érodé les unités de l’armée, rendant leur maintien impossible. Cette situation provoque non seulement des failles dans la structure militaire, mais elle laisse également les soldats survivants dans un état de désarroi face à une guerre qui semble ne plus avoir de fin.
La dégradation des conditions de vie au front, associée à la pression psychologique et aux pertes humaines massives, a poussé certains soldats à abandonner leur poste. Asseyev, qui envisage de témoigner des conditions difficiles vécues par ses anciens frères d’armes, incarne ce sentiment de désespoir qui s’étend dans les rangs militaires ukrainiens.
Consciente de l’urgence de regarnir ses rangs, l’Ukraine prépare une nouvelle vague de mobilisation d’une ampleur sans précédent. Le secrétaire du Conseil de la sécurité et de la défense nationale, Oleksandre Lytvynenko, a récemment annoncé l’intention de mobiliser 160 000 nouvelles recrues. Cette nouvelle mobilisation s’étendra sur trois mois et vise à compenser les nombreuses désertions, mais également à combler les pertes massives engendrées par les combats acharnés.
Malgré ces efforts, le recrutement de nouveaux soldats s’annonce difficile. Le témoignage d’Asseyev met en lumière le lourd fardeau psychologique porté par les soldats ukrainiens. Beaucoup sont épuisés, désillusionnés et craignent un futur incertain, où la guerre continue de les engloutir sans perspective de fin. Les récits d’anciens combattants comme Asseyev, qui dépeignent des bataillons ravagés par les pertes, illustrent la crise qui touche désormais le moral des troupes.
La lassitude et la perte de sens se généralisent. Alors que le gouvernement ukrainien s’efforce de renforcer ses rangs, les jeunes Ukrainiens sont de plus en plus réticents à rejoindre l’armée. Cette résistance face à la mobilisation est un nouveau défi pour un pays qui lutte pour maintenir sa souveraineté face à une invasion russe déterminée.
Alors qu’Asseyev continue son travail pour documenter les crimes de guerre russes, il envisage également de publier un ouvrage relatant son expérience militaire. En ayant été témoin des réalités du front, il souhaite raconter le quotidien difficile de ses anciens compagnons et mettre en lumière les immenses difficultés de l’armée.
L’histoire de Stanislav Asseyev, vétéran et écrivain, symbolise le combat intérieur et extérieur des soldats ukrainiens face à une guerre qui épuise les forces et les âmes. Tandis que les défections augmentent et que l’armée ukrainienne doit faire face à une mobilisation massive, la question se pose : combien de temps encore l’Ukraine pourra-t-elle maintenir sa capacité de défense dans ces conditions ? Les récits poignants de ceux qui ont quitté les rangs, comme Asseyev, rappellent la nécessité de prêter attention aux voix des combattants et de préparer un avenir qui ne repose pas uniquement sur la force militaire, mais aussi sur le soutien moral et social aux soldats, pour qu’ils puissent continuer à défendre leur pays avec espoir et détermination.
J.F.PAGNI