Avant le CIO, c’est la FIFA qui a exclu la Russie de toutes les compétitions internationales de football, notamment la Coupe du monde 2022. Pour les JO de Paris 2024, la Russie est exclue en tant que nation. Ses athlètes sont toutefois autorisés à participer, mais sous plusieurs conditions. Entre autres, ils ne doivent pas avoir soutenu la guerre en Ukraine et devront concourir sous bannière neutre.
A la lumière des restrictions imposées à la participation de ce grand pays, il est clair que la Russie est suspendue pour des raisons politiques, pour les JO de Paris 2024. La dernière en date a été annoncée, mardi 19 mars, et porte sur l’interdiction à la délégation russe de parader à la cérémonie d’ouverture des JO Paris 2024. Les mesures du comité international s’appliquent aussi à la Biélorussie, allié de Moscou.
La décision a donné lieu à une polémique très virulente entre les deux parties. La Russie, par la voix d’une porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, a estimé que « ces décisions démontrent à quel point le CIO s’est éloigné de ses principes déclarés et a basculé dans le racisme et le néonazisme ».
Le CIO n’échappe pas aux critiques
Le CIO y a vu une attaque directe et personnelle contre son président, l’Allemand Thomas Bach. « Cela dépasse tout ce qui est acceptable. En liant le président, sa nationalité et l’Holocauste, le gouvernement russe tombe encore plus bas », a dénoncé un porte-parole de M. Bach.
Les choses risquent toutefois de ne pas rester au stade de la polémique car le monde se dirige peut-être vers une rupture du mouvement olympique avec l’organisation par la Russie d’une compétition majeure appelé Les ‘’Jeux de l’Amitié’’. Le CIO a proféré des menaces de sanctions à l’encontre des athlètes qui prendraient part à ces jeux qu’il considère comme une « tentative cynique d’exploiter les sportifs à des fins de propagande politique ».
Le CIO n’échappe pas aux critiques. Les soupçons et accusations ne viennent pas uniquement de Moscou. De nombreuses voix s’élèvent à travers le monde pour fustiger le silence du Comité olympique international vis-à-vis des crimes israéliens dans la bande de Gaza.
En cinq mois et demi, l’armée israélienne a tué 32.000 civils dans l’enclave palestinienne, dont une majorité de femmes et d’enfants, en plus d’affamer les habitants et de commettre toutes sortes de crimes de guerre. Le 20 février dernier, une trentaine de députés français ont saisi le CIO, lui demandant « d’appliquer à Israël les mêmes sanctions qu’à la Russie et à la Biélorussie ». La réponse est tombée le 8 mars. « Il n’est pas question d’envisager des sanctions (contre Israël) », a rétorqué sèchement le président de la commission de coordination des JO de Paris.
Le responsable a évoqué « deux situations différentes », accusant la Russie et son comité olympique d’avoir « clairement bafoué des éléments essentiels de la charte olympique », ce qui, selon lui « n’est le cas ni du comité olympique palestinien, ni du comité olympique israélien » qui, soutient-il encore, « coexistent de manière pacifique entre eux ».
Un argument très discutable au vu de la situation sur le terrain à Gaza, et même en Cisjordanie où siège le comité olympique palestinien. Pour la Russie, il s’agit d’une « discrimination sans précédent » qui démontre que le CIO, « sous l’influence des élites politiques occidentales » est en train de détruire « l’idéal de l’olympisme ».
Le parti pris du CIO a fait réagir le leader de La France Insoumise (LFI). Pour Jean-Luc Mélenchon, les normes doivent « s’appliquer à tout le monde ». « Si les Russes viennent sous bannière neutre, alors le gouvernement de M. Netanyahou et les athlètes israéliens, qui sont des athlètes d’un pays qui commet un génocide, doivent aussi venir sous bannière neutre », a-t-il jugé. Pour Mélenchon, il s’agit d’abord de « montrer au monde entier qu’il n’y a pas deux normes ». « Tout le monde pense qu’il y a un double standard et nous, ils nous mettent dans la catégorie Occident, menteur, à double face », a-t-il dit.
Le député de la France Insoumise Aymeric Caron a estimé également que les athlètes israéliens devaient être traités comme leurs homologues russes et biélorusses lors des prochains Jeux olympiques de Paris 2024. « En tant que député de Paris, ville qui accueille les prochains Jeux Olympiques, je demande que le CIO (Comité international olympique – ndlr) sanctionne Israël comme il a choisi de sanctionner la Russie, en raison des crimes de guerre d’une ampleur inédite que son armée commet à Gaza depuis trois mois », a-t-il déclaré. Et de souligner que “le deux poids deux mesures serait incompréhensible ».

Le député de la France Insoumise Aymeric Caron a estimé également que les athlètes israéliens devaient être traités comme leurs homologues russes et biélorusses lors des prochains Jeux olympiques de Paris 2024 (Ph : DR)
« La diplomatie française doit faire pression sur le CIO »
« La diplomatie française doit faire pression sur le CIO pour que le drapeau et l’hymne israéliens ne soient pas admis pendant ces Jeux Olympiques parisiens. », a ajouté le député de la France Insoumise via son compte sur le réseau social “X”, joignant un lien vers une tribune publiée, samedi, par le journal Médiapart. Dans sa tribune, Caron a rappelé que le Comité international olympique avait déjà interdit à plusieurs pays de participer aux Jeux Olympiques.
« Pour la punir de son rôle dans la Première Guerre mondiale, l’Allemagne n’a pas été autorisée à participer aux Jeux de 1920 et de 1924 », a-t-il souligné. Et de poursuivre : « Elle a de nouveau été privée de Jeux en 1948, tout comme le Japon, pour sa responsabilité dans la Seconde Guerre mondiale. L’Afrique du Sud a quant à elle été exclue des Jeux Olympiques pendant 30 ans, entre 1962 et 1992, en réaction à sa politique d’apartheid ».
Le député français a ainsi expliqué, en référence à la politique d’apartheid : « Il nous faut regarder cet exemple avec attention, au moment où la politique d’apartheid d’un autre pays se révèle peu à peu aux yeux d’un monde qui refusait jusque-là d’y prêter sérieusement attention : le régime d’oppression et de domination qu’impose Israël aux Palestiniens depuis des décennies ».
« On pourrait s’étonner que, contrairement au cas sud-africain, l’apartheid mené par Israël ne suscite pour l’instant aucune réaction du CIO », poursuit-il, dénonçant l’influence de grandes puissances sur les décisions du CIO : « Cela s’explique par le soutien indéfectible que de puissantes diplomaties, à commencer par les États-Unis, expriment à l’égard d’Israël, quels que soient ses agissements ».
Faisant le parallèle entre la guerre menée par Israël contre la Bande de Gaza et la guerre russo-ukrainienne, il a déclaré que « le Comité International Olympique (…) ne peut ignorer les massacres perpétrés quotidiennement par l’armée israélienne à Gaza depuis le mois d’octobre dernier ». « Il ne peut les ignorer puisqu’il a choisi de sanctionner deux autres pays (Russie et Biélorussie – ndlr) pour des faits de guerre similaires, à la différence que le nombre de morts civils palestiniens est largement supérieur au nombre de morts civils ukrainiens », a-t-il expliqué. Et de renchérir : « La campagne menée par l’armée israélienne, sous les ordres d’un gouvernement extrémiste opposé à la solution de paix à deux États, est une entreprise de terreur et d’effacement de population, attestée par des déclarations de membres du gouvernement et de militaires israéliens qui encouragent au nettoyage ethnique ».
Faire preuve d’équité
Caron enchaîne par la question : « Paris peut-elle accueillir cet été des sportifs qui porteront le drapeau du pays qui se livre en ce moment-même à ces crimes sidérants ? » Question à laquelle il répond fermement : « La réponse est non, et la France doit l’affirmer en demandant pour les sportifs israéliens le même traitement que celui réservé aux sportifs russes et biélorusses ».
Le Comité international olympique avait annoncé que les drapeaux, emblèmes et hymnes de la Russie et de la Biélorussie n’ont pas leur place dans les Jeux Olympiques de Paris, et que les athlètes russes et biélorusses peuvent concourir, mais sous bannière neutre. « En sanctionnant Israël au même titre que la Russie et la Biélorussie, le Comité International Olympique ferait preuve d’équité, de fidélité à ses principes et, surtout, de cohérence », a soutenu Aymeric Caron.
Pour le député de la France Insoumise, par une sanction visant Israël, le CIO « favoriserait la possibilité d’un cessez-le-feu que les diplomaties occidentales devraient aujourd’hui essayer d’obtenir par tous les moyens, au nom des valeurs civilisationnelles dont elles continuent à se revendiquer, en convaincant de moins en moins ».
E.KOUAKOU