En effet, les dépenses des lobbys pharmaceutiques sont diverses. Elles financent des campagnes de communicationgrand public, des enquêteset sondages, des conférences au sein desquelles s’expriment des experts etc.
Toute chose qui indique que l’industrie pharmaceutique a une influence significative sur diverses institutions, y compris potentiellement l’Agence mondiale antidopage. Cette influence prend plusieurs formes. Sous forme de collaboration, l’AMA collabore avec l’industrie pharmaceutique pour lutter contre le dopage dans le sport. Dans cette optique, il est démontré que l’AMA et la société pharmaceutique Shionogi ont signé un accord officialisant leur collaboration.
Le financement principal de l’AMA provient du Mouvement olympique et des gouvernements du monde entier. Cette influence se fait également sous forme de financement. L’industrie pharmaceutique fournit des ressources financières à l’AMA, ce qui influence forcément ses politiques. Ces contributions annuelles régulières sont complétées par des contributions supplémentaires des parties prenantes de l’AMA et par des projets ou des partenariats avec d’autres organisations dont l’industrie pharmaceutique.
Lors de la création de l’AMA en 1999, son budget s’élevait à 15,5 millions USD. Le budget approuvé de l’AMA est passé en 2022 à 46 millions USD. Cette augmentation a accompagné l’élargissement du mandat de l’AMA. Ces financements de l’industrie pharmaceutique sont utilisés dans la recherche, l’éducation, les enquêtes, la surveillance de la conformité, la réforme de la gouvernance et toutes les autres activités menées par l’Agence.
Au-delà, l’industrie pharmaceutique apporte son expertise à l’AMA, dans le domaine de la recherche et aussi dans le choix des médicaments à inscrire ou à retirer de la liste des produits dont l’utilisation est interdite aux athlètes. Cette collaboration est encore une preuve que l’industrie pharmaceutique influence les décisions de l’agence. L’AMA prétend être une organisation indépendante mais il est également important de noter que les détails spécifiques de l’influence de l’industrie pharmaceutique sur l’AMA ne sont pas toujours divulgués au public.
Le lobbying de l’industrie pharmaceutique est particulièrement dynamique au niveau des institutions occidentales. Ils sont forts car ils représentent un poids économique majeur. A titre d’exemple, l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne détenaient en 2018 plus de 15% du marché mondial du médicament.
Pour les lobbys, défendre leurs intérêts auprès des institutions comme l’Agence mondiale antidopage est essentiel afin que leur secteur d’activité puisse continuer à se développer et à être compétitif. Selon le modèle de croissance et l’ordre mondial actuel, il est essentiel pour les lobbys que les décideurs de l’AMA prennent en compte les intérêts de ces industriels qui investissent dans leurs programmes et autres activités.
Selon un rapport de l’Observatoire européen des entreprises, les plus grosses firmes pharmaceutiques dépensent entre des dizaines de millions d’euros en lobbying chaque année dans le but d’influencer les décisions politiques dans la direction qui les arrangent. L’AMA n’y échappe pas. Ce rapport éclaire sur les méthodes peu scrupuleuses de l’industrie pharmaceutique, baptisée aussi Big Pharma, dans sa course aux profits, pas toujours légitimée par l’intérêt des patients. Ce rapport a été réalisé en réponse aux innombrables sonnettes d’alarme tirées par la société civile sur les questions du prix des médicaments par rapport à leur coût de production.
Ces grands laboratoires pharmaceutiques disposent de laisser-passer pour prodiguer des “conseils d’experts” avec des influences en tout genre au cours de réunions avec l’AMA. Un élément crucial de la stratégie de l’AMA consiste à développer des partenariats avec des organisations qui ont l’expertise pour aider à trouver des solutions. Ces multinationales vont jusqu’à biaiser les débats sur des questions de fond grâce à leurs organismes de relations publiques.
Enfin, ce lobbying intensif encourage fortement le développement de nouveaux médicaments même si les bénéfices sur la santé s’avèrent nuls ou insuffisamment prouvés. Un médicament nouveau est en effet toujours plus onéreux et plus rentable étant donné qu’il ne peut pas encore être mis en concurrence avec des génériques. Les industries pharmaceutiques et biotechnologiques ont reconnu leur intérêt et leur engagement croissant à contribuer à répondre aux préoccupations de l’AMA.
Axel KONE