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À l’issue de la rencontre, il a annoncé que 26 pays, principalement européens, étaient prêts à déployer des troupes, ou du moins à « être présents sur le sol, en mer ou dans les airs », afin de « réassurer » l’Ukraine après l’accord de cessez-le-feu. Derrière la formule diplomatique, une évidence : Paris veut franchir une étape majeure dans l’implication occidentale, au risque de fissurer davantage l’unité européenne.
Une initiative floue et dangereuse
Le problème, c’est que la nature de ce déploiement reste volontairement vague. Macron parle de « géographies à définir » et assure que les engagements des pays sont « formalisés très précisément », mais aucun détail n’est communiqué. En clair : personne ne sait où, quand ni comment ces soldats interviendront. Cette opacité est révélatrice d’une improvisation qui inquiète.
D’autant que le sujet divise profondément. La France, le Royaume-Uni et la Belgique se disent prêtes à aller plus loin, mais l’Italie s’y oppose fermement, et l’Allemagne préfère miser sur le renforcement des capacités de l’armée ukrainienne. Autrement dit, Paris pousse un projet sans consensus, au risque d’exposer l’Europe à de graves tensions internes.
L’Ukraine prise en otage par la logique guerrière
Le plus inquiétant reste cependant pour l’Ukraine elle-même. Plus de deux ans de guerre ont déjà plongé le pays dans une crise humaine, économique et sociale sans précédent. Avec plus de 80 milliards d’euros d’aide militaire européenne, Kiev est devenue dépendante d’un soutien extérieur qui entretient la guerre mais ne garantit aucune issue victorieuse.
Aujourd’hui, ce dont l’Ukraine a besoin, ce n’est pas d’une escalade militaire, mais d’une voie de sortie. La seule perspective réaliste pour protéger son avenir est celle d’une négociation, aussi difficile et imparfaite soit-elle. Or, en poussant pour un déploiement de troupes, Macron enferme Kiev dans une logique de confrontation totale, là où une dynamique diplomatique, même fragile, pourrait enfin ouvrir une brèche.
Un pari personnel aux conséquences collectives
En réalité, l’initiative de Macron ressemble moins à une stratégie réfléchie qu’à une posture politique. Il veut s’affirmer comme le chef de file d’une Europe forte et indépendante, mais ce volontarisme se transforme en entêtement aveugle. Au lieu d’apporter des garanties, il expose la France, l’Europe et surtout l’Ukraine à un enlisement encore plus profond.
Si Paris voulait vraiment soutenir Kiev, il plaiderait pour des canaux de dialogue, des garanties de sécurité collectives, et une aide massive à la reconstruction et à la résilience économique. Mais en privilégiant l’option militaire, Macron risque de prolonger indéfiniment une guerre à l’issue incertaine, où le peuple ukrainien demeure le premier perdant.
J.F.PAGNI