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RFI : Lors de son message à la nation le 6 août, Alassane Ouattara est restée muet sur ses ambitions politiques. À votre avis, est-ce qu’il sera candidat l’année prochaine ?
Ousmane Zina : Je ne saurais répondre à cette question. Même si le RHDP, dans différentes déclarations, considère que le président Alassane Ouattara est le candidat naturel. Maintenant, c’est à lui de confirmer cela et je pense qu’il joue la montre, il attend le meilleur moment pour donner sa position claire sur une éventuelle candidature.
S’il avait renoncé, est-ce qu’il ne serait pas déjà en train de préparer un dauphin, comme il l’avait fait avec son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly avant la présidentielle de 2020 ?
On ne saurait le penser ou le dire, parce qu’avec le président Alassane Ouattara, on est habitués à des surprises, des retournements de dernière minute. Et d’ailleurs, en 2020, c’est seulement au mois de mars 2020 qu’il décide effectivement de proposer Amadou Gon comme le candidat du RHDP, jusqu’à ce qu’il y ait ce revirement autour d’août 2020. Et mars 2020, à l’époque, ce n’était pas trop tôt. Donc, il attend le bon timing, le bon moment pour se prononcer là-dessus et je pense que ça fait partie de son mode opératoire.
Il y a deux mois, Alassane Ouattara a été piqué au vif par Tidjane Thiam, qui a accusé le pouvoir ivoirien d’avoir laissé reculer la Côte d’Ivoire de sept places dans l’Indice de développement humain (de l’ONU). « C’est de la mauvaise foi », a répondu le parti au pouvoir RHDP. Est-ce le signe qu’Alassane Ouattara prend très au sérieux le challenge du PDCI et de son nouveau président Tidjane Thiam, pour l’élection de l’année prochaine ?
Tidjane Thiam, par son profil de technocrate, de financier, n’est pas à négliger. Il prend les rênes de ce grand parti qu’est le PDCI. Et donc forcément, en tant que challenger, ou futur challenger d’Alassane Ouattara, il est clair que tous les mots – qui sont d’ailleurs rares – de Tidjane Thiam seront fortement scrutés.
Du côté de Laurent Gbagbo, le fait marquant, c’est l’appel du 14 juillet. Ce jour-là, l’ancien président a lancé un appel pour l’union de toutes les forces politiques d’opposition contre le régime en place. Et la semaine dernière, le GPS de Guillaume Soro vient de répondre favorablement à cet appel. Est-ce que vous êtes surpris par ce rapprochement entre les deux ennemis irréductibles de la guerre civile de 2010-2011 ?
Je ne suis pas surpris, dans la mesure où nous sommes habitués à des alliances. Donc, je pense que Laurent Gbagbo est dans une dynamique de rassemblement face à un RHDP qui est hyper puissant, il faut le dire, et qui, depuis près de dix ans, domine sans concession le jeu politique ivoirien. Et l’opposition, en réalité, est à la traîne. Cet appel s’inscrit dans cette volonté de ratisser large au-delà de son parti, le PPA-CI, qui est lui-même en pleine construction. Que le GPS de Guillaume Soro réponde favorablement, je ne suis pas surpris, parce que les partis politiques en Côte d’Ivoire ont l’habitude d’agir par opportunité politique. Et moi, ça ne me surprend pas.
À l’heure qu’il est, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro n’ont pas le droit d’être candidats à la présidentielle de l’an prochain. Et ils ont cette phrase, « comment comprendre qu’Alassane Ouattara, qui a souffert en son temps de l’exclusion, soit celui qui aujourd’hui refuse le droit à deux fils de la Côte d’Ivoire de jouir de leurs droits politiques ? »
Vous savez, de cette phrase, on peut comprendre toute la charge émotionnelle, toute la symbolique du propos. Maintenant, la porte qui reste ouverte, en ce qui concerne ces deux cas, c’est la porte politique, c’est la négociation politique, c’est la bonne volonté, le bon vouloir d’Alassane Ouattara qui en décidera. Et le pouvoir juge de l’opportunité d’agir ou de ne pas agir dans certains cas.
Laurent Gbagbo et Guillaume Soro prennent donc l’opinion publique à témoin. Si Alassane Ouattara refuse à ses deux adversaires le droit de se présenter, est-ce qu’il ne risque pas qu’on dise qu’il a peur de ses adversaires ?
Non, je ne pense pas que cela soit une logique de peur. Le président Alassane Ouattara, lorsqu’il était dans l’opposition, il a été face à des adversaires assez coriaces. Il a su surmonter plusieurs peurs pour être là où il est. Donc, aujourd’hui au pouvoir, je ne pense pas que cela soit une logique de peur d’affronter les candidats. C’est de l’ordre peut-être de la tactique politique. Laurent Gbagbo et Guillaume Soro continueront de jouer sur les symboles, sur la mémoire, sur leur passé, de rechercher des failles et de faire passer ce type de messages, jusqu’à ce que la stratégie voulue par eux passe réellement. Maintenant, ils auront en face un parti au pouvoir qui a envie de rester et qui essaie de jouer sur toutes les cordes pour conserver le pouvoir d’État.
RFI