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Pour la première fois depuis 1991, un grand défilé militaire a lieu ce samedi 14 juin à Washington, aux États-Unis. Il s’agit officiellement pour l’administration Trump de fêter dignement les 250 ans de l’Armée de Terre du pays mais aussi les 79 ans du président américain qui tombent le même jour.
Contrairement à une idée reçue, les États-Unis ont déjà organisé plusieurs grands défilés militaires. Le dernier remonte à 1991, après la guerre du Golfe, sous la présidence de George H. W. Bush. Des milliers de soldats avaient alors paradé dans les rues de Washington et de New York, accompagnés de véhicules blindés et d’avions de chasse.
Avant cela, ces parades étaient surtout liées à des événements historiques majeurs : les victoires des deux guerres mondiales, ou des investitures présidentielles, notamment celles d’Eisenhower (en 1953 et 1957) ou Kennedy (en 1961), qui avaient mêlé artillerie lourde, missiles nucléaires, et même des maquettes de sous-marins. Mais depuis la fin de la Guerre froide, ce type de manifestation est tombé en désuétude, jugé anachronique et coûteux.
Alors pourquoi maintenant ? Le 14 juillet 2017, Donald Trump assiste au défilé à Paris, en tant qu’invité d’Emmanuel Macron à l’occasion du centenaire de l’entrée en guerre des États-Unis en 1917. Séduit par le mélange de solennité, de discipline militaire et de symboles patriotiques, il décrit l’événement comme « l’un des plus grands défilés » qu’il ait jamais vus.
Mais ce que l’on comprend des « tweets » du président Trump à l’époque, c’est qu’il retient avant tout le show militaire. Alors qu’il s’agit en réalité d’un événement un peu plus complexe. Le 14 juillet est certes une parade militaire, mais aussi un rituel républicain, ancré dans la commémoration de la prise de la Bastille et de la Révolution de 1789. Il symbolise l’union des citoyens autour des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, au-delà de la démonstration de force.
Toujours est-il qu’à peine rentré à Washington, il ordonne au Pentagone de préparer une parade similaire sur le sol américain. « On va faire le même, mais en mieux » explique-t-il alors sur son compte Twitter. Mais le projet se heurte rapidement à plusieurs obstacles : culturel (éviter tout symbole d’autoritarisme), logistique (dégâts routiers, infrastructure) et financier, avec une première estimation de 92 millions de dollars en 2018. Son ministre américain de la Défense, James Mattis, inquiet de l’image renvoyée, s’y oppose fermement. Il préfère, selon ses propres mots, « avaler de l’acide ». Alors ça ne se fera pas (tout de suite, du moins).
En 2020, pour satisfaire le président républicain, l’administration organise une parade aérienne lors du 4 juillet, la fête nationale. Des avions de chasse survolent des villes clés de la guerre d’indépendance comme Boston et Philadelphie. C’est un spectacle visuel mais pas exactement la vision du président.
Visée politique et stratégique
Pour Donald Trump, ce défilé est un outil de reconquête : un spectacle calibré pour renforcer son image de « commandant en chef » fort et patriote. Un message qui s’adresse aussi bien aux patries alliées qu’à ses partisans, alors même que le recrutement militaire est en crise. Moins de 0,5 % des Américains servent aujourd’hui dans l’armée. En montrant des tanks, des hélicoptères et des parachutistes, l’idée est de relier les civils aux soldats.
Mais les critiques restent vives. Ce samedi, les États-Unis célèbrent certes les 250 ans de leur armée, mais aussi les 79 ans de leur président. Pour l’experte en relations civilo-militaires Risa Brooks, ce type de parade ne correspond pas à la tradition d’une armée professionnelle : la confusion entre commémoration militaire et hommage présidentiel brouille les lignes. « Est-ce que l’armée américaine célèbre Donald Trump ? » interroge-t-elle. Ou est-ce l’inverse ?
En 1975, pour les 200 ans de l’armée, aucune grande parade n’a eu lieu à Washington. Le pays, encore marqué par la guerre du Vietnam et la mort de plusieurs manifestants pacifiques tués par la Garde nationale à l’université de Kent State (Ohio), n’était pas prêt à glorifier l’institution. Cette année, c’est l’inverse.
En tout cas, tout le monde n’avait pas prévu d’applaudir la parade. Ce même 14 juin, plus de 1.500 manifestations baptisées « No Kings Day » sont annoncées dans tout le pays afin de protester contre ce que les organisateurs décrivent comme une « mise en scène monarchique » financée par l’argent public. Le mot d’ordre : « Pas de trônes. Pas de couronnes. Pas de rois. »
Un mouvement qui a pris encore plus d’ampleur après la répression des manifestations à Los Angeles contre les expulsions migratoires. Cette parade aura un coût non négligeable : Entre le défilé en lui-même, les mesures de sécurité à déployer ou encore les vols commerciaux suspendus, l’armée américaine estime qu’elle ne coûtera pas moins de 45 millions de dollars aux contribuables américains.
Avec 20munites.fr