Le stade Amadou Gon Coulibaly (20 000 places assises) du nom de son fidèle compagnon et ex-dauphin arraché à l’affection des siens au moment de saisir le témoin, est tout orange de monde ce samedi 18 mai 2024. Un seul refrain scandé en chœur pour un homme :‘’ Ado candidat du Rhdp (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix) pour la présidentielle de 2025 ‘’. Des propos aussi forts qu’évocateurs : ‘’ Ouattara aujourd’hui, Ouattara demain, Ouattara toujours ‘’, ‘’ Nous sommes le dernier rempart, nous nous opposerons à toute forme de déstabilisation de la Côte d’Ivoire ‘’. Un cocktail où l’on retrouve de la mobilisation massive, du soutien solide, de l’engagement sans condition. En somme, une motivante ambiance de pré-campagne électorale qui devrait emmener le champion du Rhdp à se déterminer.
De plus, si Korhogo fait bruyamment écho aux différentes cérémonies d’hommage au chef de l’Etat (Songon Dagbè 27 avril, région de l’Agneby Tiassa 4 mai, des Grands Ponts 11 mai) déchainées depuis quelques semaines, la capitale de la région du Poro apparait comme le catalyseur de la décision du candidat naturel du Rhdp. « Après cette immense mobilisation du district des Savanes pour le président Alassane Ouattara, il y a à parier qu’il répondra favorablement à la requête des populations pour un autre mandat. Cela pourrait être un très bel hommage à son fidèle compagnon Amadou Gon Coulibaly, fils de la région », analyse un observateur de la vie politique en Côte d’Ivoire, après le meeting de Korhogo.
Pour l’heure, Alassane Ouattara garde le silence et le suspense. Primo parce que sa candidature à un autre mandat présidentiel s’apprécie diversement dans l’opinion. Certains y voient un mandat de trop, quand d’autres trouvent qu’il est légalement et légitimement fondé à solliciter à nouveau le suffrage des populations. Un mandat de trop ? Pour rappel, le jeudi 12 mars 2020, Alassane Ouattara annonce qu’il ne se présente pas pour un troisième mandat. Son Premier ministre d’alors, Amadou Gon Coulibaly (AGC) est désigné candidat du parti au pouvoir. Mais le 8 juillet de la même année, AGC décède, laissant le Rhdp sans candidat, à seulement quatre mois de la présidentielle. Le chef de l’Etat reconsidère alors son option d’une retraite politique face à ‘’ un cas de force majeure ‘’. Il revient dans les starting-blocks pour l’élection présidentielle, mais dans une ambiance très tendue, meublée par une vague de réactions tant au niveau national qu’international contre les troisièmes mandats.
Les contestations parfois violentes qui s’en suivent dans le pays, causent malheureusement des pertes en vie humaine (plus 83 morts et plusieurs centaines de blessés), et d’importants dégâts matériels. Une autre page sombre de l’histoire de la Côte d’Ivoire qu’Alassane Ouattara a certainement encore à l’esprit, et qu’il ne voudrait plus revivre.
De sorte que s’engager pour un autre mandat nécessite une maîtrise parfaite de l’environnement politique et des raisons solides d’y aller. Les différents appels des militants et populations au cours de cérémonies de mobilisations massives – qui vont d’ailleurs se poursuivre – constitueraient ainsi un justificatif fort pour une autre bataille électorale. Le président ivoirien veut s’assurer d’une parfaite adhésion de toutes les régions ivoiriennes, sinon la majorité, à cette candidature, avant d’y répondre favorablement.
Soutien des partenaires extérieurs
Secundo, c’est aussi un message clair que le parti au pouvoir envoie à la communauté internationale. D’abord, parce qu’Alassane Ouattara, c’est connu, est un homme d’Etat qui tient énormément à son image qu’il a bâtie sur de longues années. Ensuite, il sait également que sa candidature à une autre élection présidentielle en Côte d’Ivoire est minutieusement scrutée de l’extérieur. Il sait enfin que l’apport et le soutien des partenaires extérieurs de la Côte d’Ivoire sont très déterminants pour la gestion d’un mandat présidentiel. « Qui veut diriger la Côte d’Ivoire, et bien la diriger, doit s’assurer du soutien de l’Elysée. C’est une vérité historique », campe un diplomate en poste à Abidjan. Vrai ou faux ? On se souvient cependant qu’en 2020, le président français Emmanuel Macron, alors vent debout contre les troisièmes mandats en Afrique, avait applaudi la décision de retrait d’Alassane Ouattara. Mais il mènera ensuite une campagne de soutien à son troisième mandat après le décès de son dauphin Amadou Gon Coulibaly, évoquant une contrainte majeure. C’était en 2020.
Que pensent aujourd’hui Emmanuel Macron et les partenaires de l’Elysée d’une autre candidature d’Alassane Ouattara en 2025 ? La réponse pourrait peser dans la balance de la décision finale du potentiel candidat du Rhdp. En tout cas, il lui faudra sonder de ce côté pour savoir sur quel pied danser. Et ces différentes campagnes de mobilisations et d’appel à sa candidature ne devraient pas être perçues comme de banals rassemblements de populations. Elles pourraient aussi servir de ressorts solides aux partenaires internationaux pour soutenir une autre candidature d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas encore le cas, et les appels se poursuivent. Réuni lundi 27 mai 2024, ‘’ l’encadrement politique ‘’, toute la chaîne de commandement de la machine Rhdp, est en ordre de bataille derrière son ‘’ champion ‘’ Alassane Ouattara pour 2025.
Va-t-il y aller ? « Rien ne presse. Il reste encore 16 mois, et c’est lui le seul maître de son agenda », tempère une source proche du palais d’Abidjan. Pour l’heure, l’agenda actualisé du président ivoirien le mène en France puis en Corée du Sud.
E.K.