Une bonne partie des infections, pas toutes mais une bonne partie, auraient pu et auraient dû être évitées. Ce désastre n’est pas un accident ni une question de « si on avait su ». Dans son rapport long de 2 500 pages, l’équipe de l’enquête publique identifie une série d’erreurs, collectives, individuelles, systémiques.
Parmi ces erreurs : les mensonges et la lenteur du gouvernement à tester les dons de sang, l’absence d’autosuffisance du Royaume-Uni en matière de produits sanguins et l’importation de sang américain. Des traitements contre l’hémophilie n’auraient jamais dû être approuvés. Côté sanitaire, les médecins n’informaient pas toujours les patients de leur statut sérologique. Et certaines archives, certains dossiers médicaux ont été détruits.
Mais le plus choquant concerne les autorités sanitaires et les médecins. Des essais cliniques ont été réalisés sur des patients hémophiles, sans leur consentement, certains soignants ont prescrit sciemment des produits infectés, pour « voir » comment évoluait le VIH. Pour le juge à la tête de l’enquête, « chaque manquement est sérieux en soi. La somme de ces manquements est une calamité. »
Un procès à venir ?
Le sang contaminé est qualifié du « pire désastre sanitaire de l’histoire de l’hôpital britannique », de scandale d’État aussi. Les contaminations ont eu lieu dans les années 1970 et 1980. Et si l’enquête ne rend ses conclusions que maintenant, c’est, selon le juge Brian Langstaff, parce qu’il y a eu une volonté à la tête de l’État et des autorités sanitaires de masquer la vérité, « pour sauver la face et s’éviter des dépenses ». Car qui dit faute de l’État dit versement d’indemnités. Dans les années 2000, elles sont estimées à près de 4 milliards d’euros pour l’ensemble des victimes et leurs familles. Il y a eu aussi la crainte de condamnations judiciaires comme on a pu le voir en France dans les années 1990. Pour l’instant, des poursuites ne sont pas à prévoir : le dispositif, très britannique, de l’enquête publique n’en a pas le pouvoir, même si la justice peut désormais se saisir. De toute façon, le rapport ne cite pas de « coupable » nommément et insiste sur le caractère systémique du scandale.
Pour l’instant, les journalistes n’ont pas eu le droit de parler avec les victimes et leurs familles. Cela fait des décennies qu’ils attendent ce rapport et ils n’ont eu pour l’instant que quelques heures pour parcourir les 2 000 pages et digérer le contenu du rapport. Cette publication sera, sans nul doute, accueillie avec soulagement puisque cela fait des années que les personnes infectées font campagne pour « obtenir justice », et pour que l’État et le système de santé admettent qu’ils n’ont pas été victimes de malchance, des décennies qu’ils affirment avoir été victimes d’essais cliniques non consentis, et qu’ils se sentent ignorés, méprisés. Le rapport est donc, pour eux, une reconnaissance officielle. Une première conférence de presse doit se tenir ce 20 mai 2024.
Source RFI