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À quatre heures du matin samedi 04 novembre 2023, des tirs nourris ont commencé à crépiter à Kaloum, centre administratif de la capitale Conakry. La maison centrale de Coronthie où se trouvent plusieurs détenus célèbres a été attaquée par un groupe d’hommes armés, non encore identifiés. « Il était environ 5H00 du matin. Des hommes lourdement armés ont fait irruption à la maison central de Conakry », a dit le ministre de la Justice Alphonse Charles Wright. « Ils ont réussi à partir avec quatre accusés dans le procès des évènements du 28-Septembre (2009), notamment le capitaine Moussa Dadis Camara », a-t-il dit. Il a assuré que les frontières étaient fermées. « Je dis au peuple de Guinée qu’ils seront retrouvés partout où ils seront », a-t-il déclaré.
Un des prisonniers sortis, le colonel Moussa Tiegboro Camara, secrétaire d’État chargé de la lutte contre la drogue et le crime organisé sous Dadis Camara, a été repris, a-t-il dit. L’avocat du détenu Me Jean Sovogui a assuré qu’il avait échappé à ce qu’il a présenté comme ses « ravisseurs ».
Retour en prison
Samedi après-midi, l’armée et l’avocat de l’ex-dictateur Dadis Camara ont annoncé qu’il avait été retrouvé et ramené en prison. « Le capitaine Moussa Dadis Camara a été retrouvé sain et sauf et reconduit en prison », a dit à l’AFP le directeur de l’information des armées (Dirpa) Ansouma Toumany Camara, sans préciser les circonstances de la capture.
Seul le colonel Claude Pivi reste introuvable sur les trois ou quatre hommes (selon les sources) tirés de prison au cours d’une opération commando, a dit le directeur de la Dirpa. « Il est activement recherché », mais « il n’a aucune chance de quitter le pays puisque Conakry est quadrillée» a-t-il ajouté.
Dans la matinée, l’avocat de Moussa Dadis Camara évoquait la possibilité que son client ait été emmené contre son gré. « Je continue de penser qu’il a été enlevé. Il a confiance en la justice de son pays, c’est pourquoi il ne va jamais tenter de s’évader» a-t-il ajouté en faisant référence au procès actuellement en cours. « Sa vie est en danger », assurait-il. « Ces personnes ont bénéficié d’un appui, de certaines complicités », explique aussi dimanche 5 novembre sur l’antenne de France 24 Ousmane Gaoual Diallo. « Ce qui est clair, c’est qu’ils ont un lien avec la personne qui a dirigé le commando. C’est le fils d’un des accusés, le colonel Claude Pivi, qui a dirigé les opérations et qui est lui-même un militaire. »
Celui qui est aussi ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique précise que le commando intervenu samedi à la prison de Conakry « est venu préparé pour enlever ces quatre personnes ». Ousmane Gaoual Diallo refuse de « rentrer dans la polémique avec l’avocat » de Moussa Dadis Camara, qui avait laissé entendre samedi que son client aurait pu être sorti de prison contre son gré
« C’est difficile de dire qu’ils ont été enlevés »
Il précise, cependant, que les premiers éléments de l’enquête en cours semblent aller dans un autre sens : « C’est difficile de dire qu’ils ont été enlevés. Ils n’étaient pas les seuls accusés de ce procès (du massacre du 28 septembre 2009, NDLR) qui se trouvaient dans cette maison centrale. Pourquoi ce sont quatre personnes liées par l’accusation qui sont parties ? », interroge-t-il.
Et le porte-parole de l’exécutif guinéen poursuit : « Ces quatre personnes sont parties, c’est vrai, ils sont sortis et certains d’entre eux ont été retrouvés à 26 km de la prison et d’autres à 17 km. Deux personnes se sont déplacées à moto. Est-ce qu’on peut enlever quelqu’un et l’emmener à moto ? C’est difficile sans la volonté de la personne ».
Dans l’attente que l’enquête « permette de souligner les responsabilités » de chacun, Ousmane Gaoual Diallo explique que la capture des trois évadés a une importance dans le cadre du procès du massacre du 28-Septembre : « La presse a pu leur rendre visite hier (samedi) pour s’assurer qu’ils sont sains et saufs et n’ont subi aucune violence, parce que cela doit aussi permettre la poursuite du procès en cours ». Et le ministre de rappeler l’enjeu de ce procès « historique » : « Il peut être important dans la phase de reconstruction et de réconciliation de notre pays. Donc nous ferons en sorte que et les accusés et les personnes qui viennent témoigner puissent avoir une sécurité renforcée pour la sérénité des débats ».
« Le procès doit pouvoir se poursuivre tranquillement, et c’est pour cela qu’il est important que la sécurité soit renforcée et que les dispositions prises par les autorités soient rassurantes et garantissent un procès équitable, transparent et qui donne le droit à la défense tout en garantissant la sécurité aux victimes et à ceux qui viennent témoigner pour que les Guinéens puissent regarder en face l’histoire tragique de leur pays », conclut Ousmane Gaoual Diallo. « Sans cela, il sera difficile de se réconcilier, de faire face à notre histoire, et c’est quelque chose qui est fondamental pour la Guinée, mais aussi pour l’Afrique ».
Situation maitrisée
L’opération a secoué Kaloum, quartier de la présidence, des institutions, des affaires et d’un certain nombre d’ambassades, mais aussi de la prison centrale. L’armée a affirmé sa fidélité à la junte en place depuis septembre 2021 et appelé la population au calme. L’état-major a assuré dans un message diffusé en boucle sur la télévision d’Etat que la situation avait été « rapidement maîtrisée et ramenée à la normale ».
Dans un communiqué lu à la télévision d’Etat, le chef d’état-major général des armées, le général Ibrahima Sory Bangoura, a présenté ce raid comme une tentative pour « saboter » l’action de réforme menée sous la conduite du colonel Doumbouya. Outre Moussa Dadis Camara et Moussa Tiegboro Camara, les sites d’information ont fait état de l’évasion de Claude Pivi et Blaise Goumou, également jugés parmi une dizaine d’anciens responsables militaires et gouvernementaux pour le massacre de 2009.
Source TV5 avec France 24 et AFP