Ces propos font suite aux critiques du ministère de l’environnement allemand, dirigé par les écologistes, qui visent les trophées de chasse aux éléphants que s’offrent des clients occidentaux fortunés. Le ministère avait évoqué plus tôt cette année la possibilité de limiter plus strictement l’importation de ces trophées en raison de problèmes de braconnage.
Le Botswana, pays enclavé d’Afrique australe, abrite la plus importante population d’éléphants au monde, soit environ 130 000, avec lesquels la cohabitation est souvent difficile, selon le président, qui évoque des attaques contre les hommes, les villages et les cultures. « Il est très facile de s’asseoir à Berlin et d’avoir une opinion sur nos affaires au Botswana. Nous payons le prix de la préservation de ces animaux pour le monde entier », a estimé Mokgweetsi Masisi.
Sous la pression des communautés locales, le président Masisi a décidé de réintroduire des quotas de chasse en 2019 après cinq années d’interdiction totale instaurée pour inverser le déclin des populations d’éléphants. Par cette décision, le Botswana s’alignait sur les pratiques de ses voisins comme la Namibie et le Zimbabwe qui autorisent la chasse à l’éléphant. L’objectif affiché était alors de réduire le nombre de pachydermes et de les éloigner des villages. « Les éléphants sont des créatures intelligentes et ont donc évité autant que possible les zones de chasse jusqu’à ce que la chasse soit interdite », explique Dilys Roe la présidente de l’Union internationale pour la conservation de la nature, interrogée par la NBC. Mais une fois l’interdiction en vigueur, les éléphants « ont non seulement réintégré ces zones, mais se sont également aventurés sur les terres agricoles adjacentes, causant d’énormes dégâts aux cultures et aux moyens de subsistance », ajoute l’experte.
« Responsabilité particulière »
« Au sein de l’UE, nous menons des discussions dans le but d’étendre l’exigence de permis d’importation (…) à d’autres trophées de chasses d’animaux protégés », a expliqué à l’Agence France-Presse (AFP) une porte-parole du ministère de l’environnement allemand.
Le paradoxe dans l’attitude du ministère de l’environnement allemand, c’est que l’Allemagne est l’un des plus grands importateurs de trophées de chasse dans l’UE. A cet égard, le pays du Chancelier allemand, Olaf Scholz a « une responsabilité particulière », fait remarquer Dilys Roe la présidente de l’Union internationale pour la conservation de la nature.
La controverse entre l’Allemagne et le Botswana sur la question des éléphants est principalement due à des différences de perspectives sur la conservation de la faune et les droits des communautés locales. En suggérant des limites plus strictes sur l’importation de trophées de chasse, l’Allemagne fat une ingérence dans les affaires intérieures du Botswana et sape ses efforts dans la régulation des populations d’éléphants dans le pays. Pour le Botswana la chasse aux éléphants est nécessaire pour contrôler leur population croissante et minimiser les conflits entre les humains et les éléphants. Les restrictions proposées par l’Allemagne appauvriraient les habitants de son pays. Or la chasse aux éléphants contribue à l’économie locale et aide à gérer la population d’éléphants.
A l’analyse des faits, il est clair que l’Allemagne s’appuyant sur l’histoire coloniale examine la question à travers le prisme du néo-colonialisme. Avec ses suggestions l’Allemagne, en tant que pays européen, ne devrait pas dicter les politiques de conservation de la faune en Afrique car le Botswana abrite environ un tiers de la population mondiale d’éléphants. Ce qui cause des problèmes tels que les dommages aux biens et les conflits avec les humains. Le pays a déjà donné des éléphants à d’autres pays africains pour réduire la population. En 2023, le pays a également offert 8 000 éléphants à l’Angola et 500 au Mozambique l’année précédente.
Premier génocide du 20e siècle en Afrique

L’Allemagne a un passé historique sanglant avec des pays africains dont la Namibie avec le génocide des Hereros (Ph : DR)
L’Allemagne qui a un passé historique sanglant avec des pays africains dont la Namibie avec le génocide des Hereros, devrait plutôt faire des efforts pour redorer son image, voir donc soutenir les efforts du Botswana au lieu de vouloir lui imposer ses décisions de façon unilatérale.
L’histoire retient que le massacre à partir de 1904 de dizaines de milliers d’Herero et de Nama en Namibie, reconnu par l’Allemagne comme un génocide, était déjà considéré par des historiens comme le premier génocide du 20e siècle. Au total, quelque 60.000 Herero et environ 10.000 Nama meurent entre 1904 et 1908 dans ce que des historiens qualifient de premier génocide du 20e siècle, avec déjà un recours à des camps de concentration et à des expériences scientifiques sur des “spécimens” d’une race jugée inférieure.
Des ossements herero et nama, dont quelque 300 crânes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques censées prouver la supériorité des Blancs sur les Noirs. En 1924, un musée allemand a vendu certains de ces ossements à un collectionneur américain, qui en a ensuite fait don au musée d’histoire naturelle de New York. En 2008, l’ambassadeur de Namibie à Berlin a réclamé la restitution des crânes. « Il s’agit de retrouver notre dignité, de nous réapproprier notre histoire. Et il s’agit d’offrir à ces crânes une vraie sépulture », a-t-il déclaré.
En 2011, l’Allemagne a restitué à la Namibie 20 crânes de guerriers herero et nama, accueillis à Windhoek par une foule de plusieurs milliers de personnes. En août 2018, l’Allemagne a remis à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama. L’année suivante, Berlin a annoncé vouloir restituer à la Namibie la croix en pierre de Cape Cross, un monument érigé au XVe siècle pour guider les explorateurs portugais.
En août 2004, année du centenaire du massacre, l’Allemagne a demandé pardon et présenté ses excuses pour les « atrocités » qui « seraient appelées aujourd’hui génocide » selon les termes d’une ministre allemande lors d’une commémoration. Au terme de cinq ans d’âpres négociations entre les deux pays, l’Allemagne a reconnu pour la première fois avoir commis “un génocide” en Namibie et va verser au pays plus d’1 milliard d’euros d’aides au développement.
Cette somme sera versée sur une période de 30 ans, selon des sources proches des négociations, et doit profiter en priorité aux descendants des deux populations. La reconnaissance du génocide n’ouvre la voie à aucune « demande légale d’indemnisation », selon le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, alors que les autorités namibiennes demandent des réparations.
Faute d’être associés aux négociations entre les deux pays, les deux tribus ont saisi la justice civile américaine pour obtenir directement de l’Allemagne des dommages et intérêts. Déboutées en mars 2019, elles ont fait appel.
Source AFP