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La guerre déclenchée par Israël après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 a vite dépassé la riposte militaire. Elle s’est transformée en punition collective d’un peuple entier. Les ONG internationales, de Human Rights Watch à Médecins Sans Frontières, parlent de crimes de guerre, d’utilisation disproportionnée de la force, voire d’actes s’apparentant à un génocide. Mais pendant des mois, l’Europe regarde ailleurs.
Des lettres ignorées, des vies piétinées
En février 2024, quatre mois après le début du conflit, Pedro Sánchez et Leo Varadkar, les Premiers ministres espagnol et irlandais, demandaient à la Commission européenne d’activer l’article 2 de l’accord d’association UE-Israël. Ce texte, en vigueur depuis 1995, prévoit que le respect des droits humains est une condition préalable aux relations politiques et économiques entre l’UE et Israël. La demande était claire : si Israël viole le droit humanitaire, comme les preuves le montrent abondamment, alors l’accord doit être suspendu. La Commission européenne n’a même pas daigné répondre.
Un an plus tard, alors que Gaza est sous blocus humanitaire depuis onze semaines, et que la famine s’installe, Kaja Kallas, nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, annonce timidement l’ouverture d’un examen de cet accord. Un geste qui arrive trop tard, trop seul, trop tiède.
Des sanctions pour Poutine, du silence pour Netanyahu
Depuis la guerre en Ukraine en 2022, l’Union européenne n’a pas hésité à prendre des sanctions contre la Russie: gels d’avoirs, embargos, exclusion du système SWIFT, fermeture de l’espace aérien… En quelques jours, une réponse massive et coordonnée a été déployée au nom de la défense du droit international et des droits humains. Mais à Gaza, malgré des dizaines de milliers de morts, des bombardements indiscriminés, un blocus humanitaire étouffant, l’UE n’a produit aucune mesure concrète. Pas de sanctions, pas de suspension d’accords, pas même de reconnaissance claire des crimes de guerre documentés par de nombreuses ONG.
Cette indignation à géométrie variable interroge. Pourquoi la vie d’un civil ukrainien vaut-elle davantage que celle d’un enfant palestinien ? Pourquoi le droit humanitaire est-il brandi d’un côté, et ignoré de l’autre ? Pourquoi deux poids, deux mesures ? Parce que la vie palestinienne vaut moins dans les couloirs feutrés de Bruxelles ? Parce que la peur de froisser Israël et son principal allié, les États-Unis, paralyse toute volonté politique ? Parce que le commerce, les alliances militaires et les intérêts stratégiques passent avant les droits humains ?
Ce silence n’est pas neutre. Il est un choix politique. Et il fait de l’Europe non pas un arbitre impartial du droit international, mais un acteur complice de son effondrement.
Complicité occidentale dans un massacre à huis clos
Aujourd’hui, les faits sont là. Les gouvernements européens sont complices par leur silence, leur inaction, leur hypocrisie. Chaque bombe qui tombe sur un hôpital, chaque enfant sorti des décombres, chaque convoi humanitaire empêché d’entrer, est aussi une conséquence de leur lâcheté diplomatique. Plus encore : en continuant à vendre des armes à Israël, certains États membres de l’UE contribuent activement à la machine de guerre. En fermant les yeux sur les violations massives du droit international, ils affaiblissent la crédibilité morale de l’Europe, pourtant si prompte à se présenter en défenseure des droits humains.

Il ne s’agit plus seulement d’« évaluer » un accord commercial. Il s’agit d’arrêter de normaliser l’inhumain. De cesser d’être sélectifs dans la défense des vies humaines. Il s’agit de rompre avec une politique étrangère à géométrie variable, qui discrimine les victimes selon leur origine, leur foi ou leur géographie. L’histoire jugera ceux qui sont restés silencieux. Et aujourd’hui, l’Europe est en train d’échouer ce test moral.
L’UE, médecin légiste du peuple palestinien
Alors que le bilan humain à Gaza dépasse les 52 000 morts, en majorité des civils, l’Union européenne commence à peine à envisager un réexamen de ses relations avec Israël. Quinze mois après les premières alertes de l’Espagne et de l’Irlande, la Commission européenne sort de son silence, poussée par une pression croissante, y compris d’un pays historiquement proche d’Israël comme les Pays-Bas.
Mais à ce stade, la démarche sonne creux : aucune sanction, aucune suspension d’accord, aucun geste fort. Juste des mots, pendant que les bombardements continuent, que l’aide humanitaire reste bloquée, et que les violations du droit international s’enchaînent sans conséquences.
L’Europe se réveille tard, beaucoup trop tard. En tentant de sauver la face, elle trahit ses principes fondateurs. Car quand les droits humains ne s’appliquent pas à tous, ils ne valent plus rien.
J.F.PAGNI